Le cycle des violences
La violence dans les relations amoureuses s’installe petit à petit, et n’est pas perceptible dès ses premières manifestations.
Les comportements violents, peu importe la forme qu’ils prennent, font partie de la stratégie de l’auteur·e pour dominer et contrôler son/sa partenaire – et s’inscrivent dans ce qu’on appelle le cycle des violences. Ce cycle se répète au cours de la relation. Plus le temps passe, plus les violences s’intensifient, et les phases se rapprochent. Certaines finissent même par disparaitre.
Ce cycle explique comment la victime est amenée à rester avec l’auteur·e des violences, malgré ce qu’elle subit : il permet la mise en place de l’emprise.
Au début, tout va bien ! On se rencontre, on se plaît, on se tourne autour, on se séduit ! On décide de passer du temps ensemble, peut-être même que des sentiments naissent !
Cette rencontre est parfois vécue de manière fusionnelle. « C’est l’amour fou ! »
L’attachement est déjà là quand surviennent les premiers signaux d’alerte et les violences.
Elle peut apparaître très vite, tout comme elle peut n’apparaître qu’après quelques mois, et parfois même après des années de relations. Cependant, dans le cas d’une relation violente, l’auteur·e va alterner phases de séduction et phases d’agressions, qui en fonction de la forme qu’elles prennent peuvent être banalisées.
Critiques, remarques méprisantes, moqueries répétées, insultes, gestes brusques, irritabilité, ton agressif et intimidations, ou encore être ignoré·e pendant plusieurs jours… Un climat pesant voir oppressant est mis en place par le/la partenaire violent·e.
« Un jour il/elle m’offre des fleurs, me dit que je suis le/la meilleure, et le lendemain il·elle m’ignore, ce que je fais est nul, mes ami·e·s sont stupides, je m’habille comme une p***. »
Il/elle va souffler le chaud et le froid : tous ces comportements visent à altérer les capacités de jugement de la victime et à la faire douter de ses perceptions. Elle est inquiète et commence à adapter ses comportements pour ne pas donner de nouvelles occasions à son/sa partenaire d’être désagréable ou de pointer ses erreurs, et faire diminuer la tension. « Il/elle va finir par éclater »
La victime est la seule à prendre la responsabilité de la bonne santé du couple/de la relation : si quelque chose ne va pas, c’est qu’elle n’a pas dit ou fait ce qu’il fallait.
L’auteur·e peut aussi mettre en place des stratégies de contrôle et d’isolement, souvent sous couvert de jalousie et de possessivité, qui sont alors perçus comme des preuves d’amour.
La crise peut se manifester de différentes façons : agressions verbales, colères intenses, insultes, gifle, coups, séquestration, violences sexuelles… Le partenaire violent affirme son pouvoir et cherche à dominer son/sa partenaire.
Les comportements violents exercés visent à instaurer un climat de peur, et à enlever à la victime toute capacité de se défendre (état de choc, sidération). Elle est alors dans l’incompréhension de ce qu’il vient de se passer, partagée entre sentiments d’impuissance, de honte, de colère et d’injustice. Les violences sèment la confusion dans son esprit. Elle va tenter de calmer la situation.
Après les violences, vient la phase de justification.
Lors de cette phase, l’auteur·e va chercher à inverser la responsabilité des violences : il/elle va s’excuser, mais également se justifier, minimiser voire nier ce qu’il s’est passé, et rejeter la faute sur la victime ou sur des évènements extérieurs. « Ce n’est jamais de sa faute. »
La victime se sent coupable et responsable du comportement de son/sa partenaire. Si elle avait eu un comportement différent, peut-être qu’il/elle n’aurait pas été violent·e. Et si elle faisait attention à l’avenir, qu’elle l’aide, peut-être que les violences ne se reproduiront pas.
Les comportements violents se multiplient et alternent avec des moments plus doux, qui vont permettent au/à la partenaire violent·e de retenir la victime dans la relation – c’est ce que l’on appelle la phase de lune de miel.
Le/la partenaire violente cherche à se faire pardonner auprès de la victime. Il/elle met en place toutes les choses possibles pour reconquérir la victime, et se montre doux·ce, affectif·ve et attentionné·e. Il/elle promet de changer, et de ne plus recommencer.
La victime reprend espoir face aux efforts déployés. Il/elle la couvre de cadeaux et est attentionné·e comme aux premiers jours. La victime reprend confiance en son/sa partenaire. Il/elle ne recommencera plus, elle y croit.
Elle peut avoir l’impression de reprendre le pouvoir sur ce qu’il se passe. En réalité, l’auteur·e utilise des stratégies pour la maintenir dans la relation, et maintenir son emprise sur elle.
C’est grâce à cette période de lune de miel, lorsque tout va bien dans la relation, que la victime retourne avec son/sa partenaire si elle l’avait quitté, ou encore retire sa plainte. Elle peut (re)prendre ses distances avec son entourage pour se consacrer à sa relation, qui est de nouveau idéale, et bercée par l’espoir que tout cela est derrière eux/elles. Jusqu’à l’escalade des prochaines violences.
C’est souvent dans cette période, qu’en tant que proche témoin de ce qu’il se passe, on peut ne pas comprendre les attitudes de la victime, perdre patience et ne plus vouloir intervenir. Si tu es témoin ou que tu t’inquiètes pour un·e proche, tu peux cliquer par ici pour savoir comment agir à ton niveau.
Le love bombing (« bombardement d’amour ») est une technique de manipulation qui se traduit par une démonstration d’amour ou d’affection intense de la part d’un·e partenaire sur l’autre. Déclarations d’amour enflammées, cadeaux inattendus et symboliques, petites attentions constantes, écoute attentive… Ces actes, alors excessifs, visent à prendre l’ascendant sur le/la partenaire.
En pratique, le love bombing s’observe au début de la relation amoureuse : l’objectif est de faire naître une dépendance chez la victime. Ce comportement entraine en effet un attachement rapide chez elle, qui est alors plus vulnérable face aux comportements de plus en plus contrôlants du/de la partenaire violent·e.
L’enchainement de ce cycle engendre chez la victime une confusion et une perte de repères – et permet d’expliquer comment s’installe l’emprise dans une relation.
La peur, la honte, l’isolement, le sentiment d’échec et de culpabilité s’installent dans l’esprit de la victime. S’ajoute à cela la peur de ne pas être crue. Tous ces sentiments mélangés, conséquences des comportements de l’auteur·e, plongent la victime dans le silence.
Cette situation établie permet à l’auteur·e des violences de maintenir une emprise psychologique sur la victime.
La relation d’emprise qui s’installe dans le couple, de par les stratégies de l’auteur·e (contrôle, isolement, faire douter la victime de ses propres perceptions, comportements violents, climat de peur, sentiments de honte et de culpabilité, mais aussi espoir de voir son/sa partenaire changer), génère une dépendance psychologique, affective et parfois matérielle et économique avec l’auteur·e des violences.
La victime est détruite petit à petit, et n’a pas les ressources nécessaires pour quitter son/sa partenaire violent·e. Elle pense ne pas pouvoir vivre sans elle/lui, qu’elle ne saura pas s’en sortir seule, ou peut encore être terrifiée à l’idée de quitter son/sa partenaire violent·e, et qu’il/elle mette ses menaces à exécution.
Plus l’emprise est forte et est installée dans le temps, plus les épisodes de lune de miel disparaissent, jusqu’à ne plus exister complètement. L’auteur·e n’en a plus besoin pour retenir la victime. Les conséquences sur son estime d’elle-même, sa vie, mais aussi sur sa santé sont telles que la victime ne croît pas pouvoir y échapper.